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Citations choisies : Logique de la sensation de Gilles Deleuze.

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1 - LE ROND, LA PISTE

L'important est qu'ils ne contraignent (le rond, le cube et la barre) pas la Figure à l'immobilité ; au contraire ils doivent rendre sensible une sorte de cheminement, d'exploration de la Figure dans le lieu, ou sur elle-même. C'est un champ opératoire. Le rapport de la Figure avec son lieu isolant définit un fait: le fait est..., ce qui a lieu... Et la Figure ainsi isolée devient une Image, une Icône. (11)

Bacon le dit souvent: pour conjurer Ie caractère figuratif, illustratif, narratif, que la Figure aurait nécessairement si elle n'était pas isolée. (12)

Isoler est donc le moyen le plus simple, nécessaire quoique non suffisant, pour rompre avec la représentation, casser la narration, empêcher I'illustration, libérer la Figure : s'en tenir au fait. (12)

Il distingue dans sa peinture trois éléments fondamentaux, qui sont la structure matérielle, le rond-contour, l'image dressée. Si l'on pense en termes de sculpture, il faut dire : l'armature, le socle qui pourrait être mobile, la Figure qui se promène dans I'armature avec le socle. (14)

2 - NOTE SUR LES RAPPORTS DE LA PEINTURE ANCIENNE AVEC LA FIGURATION.

La peinture doit arracher Ia Figure au figuratif. (17)

D'autre part, la peinture ancienne était encore conditionnée par certaines "possibilités religieuses" qui donnaient un sens pictural á la figuration, tandis que la peinture moderne est un jeu athée. (17)

(...) on peindra le sentiment religieux de toutes les couleurs du monde. Il ne faut pas dire "si Dieu n'est pas, tout est permis". C'est juste le contraire. Car avec Dieu, tout est permis. C'est avec Dieu que tout est permis. (18)

Au contraire, la peinture moderne est envahie, assiégée par les photos et les clichés qui s'installent déjà sur la toile avant même que le peintre ait commencé son travail. En effet, ce serait une erreur de croire que le peintre travail sur une surface blanche et vierge. (19)

3 - ATHLÉISME

Revenons aux trois éléments picturaux de Bacon: les grands aplats comme structure matérielle spatialisante - la Figure, les Figures et leur fait - le lieu, c'est-à-dire le rond, la piste ou Ie contour qui est la limite commune de la Figure et de I'aplat. (21)

Nous verrons pourtant que Bacon a besoin, dans ses tableaux et surtout dans les triptyques, d'une fonction de témoin, qui fait partie de Ia Figure et n'a rien à voir avec un spectateur. (...)
Ce sont des témoins, non pas au sens de spectateurs, mais d'élément-repére ou de constante par rapport à quoi s'estime une variation. (22)

spasme (23)

Toute la série des spasmes chez Bacon est de ce type, amour, vomissement, excrément, toujours le corps qui tente de s'échapper par un de ses organes, pour rejoindre I'aplat, la structure matérielle. (24)

Les miroirs de Bacon sont tout ce qu'on veut sauf une surface qui réfléchit. (...) Le corps semble s'allonger, s'aplatir, s'étirer dans le miroir, tout comme il se contractait pour passer par le trou. (25)

4 - LE CORPS, LA VIANDE ET L'ESPRIT, LE DEVENIR-ANIMAL

Le corps, c'est la Figure, ou plutôt le matériau de la Figure. (27)

Portraitiste, Bacon est peintre de têtes et non de visages. Il y a une grande différence entre les deux. (...) C'est donc un projet très spécial que Bacon poursuit en tant que portraitiste : défaire le visage, retrouver ou faire surgir la tête sous le visage. (27)

L'ombre s'échappe du corps comme un animal que nous abritions. Au lieu de correspondances formelles, ce que la peinture de Bacon constitue, c'est une zone d'indiscernabilité, d'indécidabilité, entre l'homme et l'animal. (28)

Au point que la Figure la plus isolée de Bacon est déjà une Figure accouplée, l'homme accouplé de son animal dans une tauromachie latente. (28)

Bacon admire la jeune femme de Degas, « Aprés le bain »>, dont la colonne vertébrale interrompue semble sortir de la chair, tandis que la chair en est d'autant plus vulnérable et ingénieuse, acrobatique. (28)

Dans la viande, on dirait que la chair descend des os, tandis que les os s'élèvent de la chair. (29)

Pour Bacon comme pour Kafka, la colonne vertébrale n'est plus que l'épée sous la peau qu'un bourreau a glissée dans le corps d'un innocent dormeur. (29)

"J'ai toujours été très touché par les images relatives aux abattoirs et á la viande, et pour moi elles sont liées étroitement à tout ce qu'est la Crucifixion... C'est sur, nous sommes de la viande, nous sommes des carcasses en puissance. Si je vais chez un boucher, je trouve toujours surprenant de ne pas être là, à la place de l'animal..." (30)

l'homme qui souffre est une bête, la bête qui souffre est un homme. (30)

Ensuite encore toutes les séries de têtes de Bacon affirmeront leur identité avec la viande, et parmi les plus belles il y a celles qui sont peintes aux couleurs de la viande, le rouge et le
bleu. (31)

5 - NOTE RÉCAPITULATIVE : PÉRIODES ET ASPECTS DE BACON

Bacon suggère que, delà du cri, il y a Ie sourire, auquel il n'a pas pu accéder, dit-il.  "j'ai toujours voulu, sans jamais réussir, peindre Ie sourire". (33)

 Partout le règne du flou et de l'indéterminé, l'action d'un fond qui attire la forme, une épaisseur où se jouent les ombres, une sombre texture nuancée, des effets de rapprochement et d'éloignement : bref un traitement malerisch, comme dit Sylvester. (...) Ia première qui confronte la Figure précise et l'aplat vif et dur ; la seconde qui traite la forme << malerisch >> sur un fond tonal à rideaux ; la troisième enfin qui réunit << les deux conventions opposées >>, et qui revient au fond vif à plat, tout en réinventant localement les effets du flou par rayage et brossage. (35)

L'armature ou Ia structure matérielle, Ia Figure en position, le contour comme limite des deux, ne cesseront pas de constituer le système de la plus haute précision ; et c'est dans ce système que se produisent les opérations de brouillage, les phénomènes de flou, Ies effets d'éloignement ou d'évanouissement, d'autant plus forts qu'ils constituent un mouvement lui-même précis dans cet ensemble. (35-36)

La coexistence de tous les mouvements dans le tableau, c'est le rythme. (38)

6 - PEINTURE ET SENSATION

ll y a deux manières de dépasser la figuration (c'est-à-dire à la fois I'illustratif et le narratif) : ou bien vers la forme abstraite, ou bien vers la Figure. Cette voie de la Figure, Cézanne lui donne un nom simple: la sensation. (39)

La sensation, c'est le contraire du facile et du tout fait, du cliché, mais aussi du "sensationnel", du spontané, etc. La sensation a une face tournée vers le sujet (le système nerveux, Ie mouvement vital, "l'instinct", le "tempérament", tout un vocabulaire commun au Naturalisme et à Cézanne), et une face tournée vers I'objet ("le fait", le lieu, l'événement). (39)

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