Micha's Projet de Diplôme
"Un jour j'en ai eu assez de tenir des banquets pour les fantômes. De garder des chaises vides pour tous ceux qui n'ont pas encore eu le temps de montrer qu'ils existent. De pleurer les vies que personne n'a jamais eu."
Ma petite soeur après environ 25 bières et 10 vodkas-cassis.
Projet de diplôme
La Tarte au citron
Et ça vient d'où ?
Mon projet reprend un travail entamé en Erasmus à l'ERG : un projet de faux-cumentaire, mêlant vraies histoires et personnes familiales, et fictions et personnages écrits.
Quand j'étais enfant, les soirs de Noël où les adultes avaient un peu trop bu, on marmonnait parfois le nom de Cécile. Le secret de Polichinelle de ma famille est une femme-fantôme. Mon grand-père a eu 3 femmes. La première, Cécile, ne se nomme pas, elle se marmonne en regardant au-dessus de son épaule. Mon grand-père Bernard et elle se sont épousés jeunes. On raconte qu'ils ont eu un fils, Thomas, mais qu'il est mort enfant. Cécile ne s'en serait pas remise, et Bernard l'a internée en asile psychiatrique, occupant son temps libre en trompant Cécile avec celle qui deviendra sa seconde femme, Marjorie. On ne parle jamais de ça. Ce qui fait la légende de Cécile, c'est sa fin : du jour au lendemain, sans laisser de trace, elle a disparu. On a longtemps fouillé l'asile, cherché son corps, traqué ses nouvelles. Cécile a disparu. Bernard s'est marié à Marjorie, et Cécile est devenu un fantôme, dont personne ne parle, mais que tout le monde raconte. À la mort de Bernard en 2009, dans ses affaires, nous avons retrouvé une vieille farde, remplie de photos de Cécile, de Thomas, de leur contrat de mariage, et une unique page annotée d'un livre de cuisine expliquant comment faire une tarte au citron.
Et ça veut dire quoi ... ?
Réinvestir cette légende familiale me donne l'idée d'un projet aux problématiques plurielles :
- Adresser comment la/ma cellule familiale gère la question de la santé mentale : réduite au silence, insupportable, intriguante, attristante ... Rarement vue comme légitime par les anciennes générations, et encore vue comme un handicap par les plus jeunes
- Quelles dynamiques se forment autour de la figure complexe du "malade" ? Le secret, le silence, la légende ...
- Comment être heureux dans une famille : se taire est-il "la bonne chose" pour la paix familiale ? Choisir la rébellion VS Laisser les choses se faire ; Casser le status quo à grandes peines VS Détourner le regard pour garder la paix
Il ne s'agit pas d'adresser la pathologie mentale en elle-même, finalement elle n'est pas l'élément central. Il s'agit d'adresser comment les relations s'agencent autour, et quels éceuils parcourent les structures familiales. Le sujet constant, Cécile, est pour sa part absent de l'image, et presque du discours.
Et question projet ?
Avec la base de cette légende familiale, j'escompte révinvestir différentes histoires de famille, individus, dynamiques, situations ... Qui me permettent de cristalliser les dynamiques de ma cellule familiale en un film d'une douzaine de minutes.
Un petit pitch s'impose
En 2003, ma tante Cécile a disparu. Elle n'est pas morte : elle est devenu un fantôme. Un secret que l'on chuchote, que l'on se rejette, sans l'avouer. Mon prénom veut dire "bienvenue". Je suis une enfant non désirée, dans une famille qui me l'a toujours fait savoir. Je vais partir sur les traces de Cécile. Je veux recoller les morceaux de ma tante-fantôme, et comprendre le silence bâti autour d'elle.
-> Le film part sur un concept de faux-cumentaire, où je mêle réelles légendes familiales et fictionnalisation. Pour brouiller les pistes, je mélange les noms, les dates, je laisse des zones d'inconnus. Une part des intervenants seront joués par des acteurs, d'autres seront de réels membres de ma famille. Certains lieux et documents seront authentiques, d'autres, non. Comme avec le secret de la véritable Cécile, il sera dur de démêler le réel de la fiction.
-> J'hésite encore à les laisser parler d'autres sujets, et reframe leur discours afin de faire penser qu'ils parlent de cette tante semi-fictionnelle ...
-> Je compte tracer une ligne rouge, autour de la cuisine. On racontre beaucoup avec ce que l'on mange, et la nourriture a toujours été un conflit dans ma famille. Il y a les végétariens, les carnistes, les difficiles, les anorexiques ... Comment unir tout le monde autour d'un repas, est-ce seulement possible ? Cette ultime recette retrouvée dans les affaires de Bernard serait comme l'ultime souvenir de Cécile, fictive ou non.
-> Pour le moment, j'ai une vingtaine de séquences (ça va filmer sec), mais je suis en train de retravailler le draft v4.2 que j'avais en finissant l'Erasmus, pour une v5 qui séparerait l'enquête différemment, et mêlerait du "daydreaming" motion design (comme le disait Sarah Bonnemazou), qui aiderait à brouiller les lignes en amenant de l'imaginaire sur les images indicielles.
Et j'en suis où ?
- Je vais réécrire une version jolie de la v4.2 pour Jean-Paul, qu'il puisse la lire au plus vite
- Dès que possible, je vais cependant créer une v5.0, que Virgile pourra peut-être lire, pour poursuivre le travail
- Il y a des plans et des lieux que je sais déjà vouloir mordicus. Je vais donc commencer à motiver et démarcher les potentiels acteurices, et m'arranger pour aller filmer à certains endroits (une église en particulier est à Bruxelles, et c'est celle-là et aucune autre).
Et pour le moment ... C'est tout ce que j'ai ? Je crois ?